Consommation et fabrication locale : Et si nous allions plus loin !

par | 29 Juil 2022 | Blog

Le “made in France” est revenu en force avec la crise du COVID-19. Notre gouvernement et bon nombre de sociétés privées prônent maintenant des relocalisations pour lesquelles hier encore les militant d’une fabrication locale passaient pour des utopistes. Le dernier exemple criant, est la visite récente de STMicroelectronics qui a ouvert une usine de fabrication de puces électroniques en Isère, par Emmanuel Macron. Il y a encore peu de temps, nous accordions à la production de ces semi-conducteurs un faible intérêt et étions convaincus de ne pas être compétitif pour ce type de fabrication. Aujourd’hui, tout a changé !

Les bouleversements de ces dernières années ont rebattu les cartes et la transformation cherche urgemment à se rapprocher de la consommation pour répondre à une demande responsable et limiter le coût transport. N’en déplaise à la course au gigantisme dans le transport Overseas, la notion de volume transporté est éludée au profit de questions socio environnementales en termes de marketing et d’argumentation commerciale.

Depuis longtemps, je suis convaincu que nous devons transformer les produits que nous consommons au plus près de la source de matière première. Bien sûr les intérêts économiques et politiques priment depuis que le monde est monde et ma conviction peut paraître un peu naïve.

Selon les chiffres 60 % des terres arables et plus de 30 % des matières premières proviennent d’Afrique. Pour autant nous en sommes toujours à transporter la matière depuis l’Afrique pour transformer sur d’autres continents avant de réexporter des produits finis vers ce continent qui a fourni la base de fabrication : où est la cohérence ?

Pourtant sur le sujet de la transformation alimentaire, le développement des chaines de valeur est en ébullition sur le continent africain. En effet de nombreux groupes internationaux investissent dans des infrastructures locales de transformation agricoles. De plus des économistes africains comme Tidjane THIAM ou Gilbert HOUNGBO confirment l’importance de développer la création de valeur dans la filière alimentaire pour aller vers la souveraineté alimentaire.

La démarche de création de valeur à la source est donc en marche. Comme à mon habitude je m’intéresse et apprécie de mettre en avant les actions innovantes des structures en devenir :

Mando Foods&Co est une société basée en Côte d’Ivoire qui propose “des produits préparés avec amour par nos mamans” comme aime le dire son fondateur. En effet, Alain BRANGER nous rappelle que les premières forces de production et de transformation agricole en Afrique restent les femmes « auto entrepreneuses » devant les usines.

Mando maîtrise de A à Z la production, la transformation et la distribution à travers des partenariats locaux. Grâce à ce réseau l’offre produits est large mais raisonnée : farines, épices, gâteaux, confiture, fruits séchés, jus de fruit, cosmétiques et bien plus encore…

La distribution reste un sujet délicat avec des produits devant respecter des DLUO et une source d’approvisionnement fluctuante. Toutefois l’offre de cette jeune société s’inscrit parfaitement dans le PCCET du gouvernement ivoirien, qui a pour but d’accompagner l’emploi et la transformation des matières premières.

L’aspect logistique reste un élément essentiel pour valoriser production et transformation et il est important d’optimiser et stabiliser cet élément avant de voir plus loin.  Aujourd’hui Mando Foods&Co s’est fait un nom en Côte d’Ivoire et si vous souhaitez gouter leurs produits en Europe, soyez patient : une exportation responsable arrivera certainement dans peu de temps !

L’incitation à la transformation locale ne s’arrête pas au domaine agricole en Côte d’Ivoire :

Récemment le groupe CERCO a mis sur le marché, un téléphone nommé “OPEN” conçu et assemblé au VITIB de Grand Bassam. En proposant ce téléphone fabriqué localement et surtout qui propose 15 langues parlées en Côte d’Ivoire en plus des langues comme le français, l’anglais ou même le Wolof.

Alain CAPO CHICHI, P.D.G. de CERCO s’inscrit totalement dans une démarche visant à développer les compétences et les connaissances pour la conception et la fabrication au plus près des consommateurs et en répondant de la meilleure manière au besoin de ce dernier.

La révolution technologique de ce smartphone est basée sur la vocalisation des commandes à travers des langues comme le baoulé et le dioula (les plus parlés en Côte d’Ivoire). Cet aspect peut paraître gadget pour des personnes qui utilisent anglais ou français au quotidien mais pour les millions de personnes qui ont l’habitude de commercer de manière orale avec différentes langues africaines c’est un bénéfice majeur.

J’espère bientôt des initiatives du même type pour favoriser la fabrication des composants constitutifs d’un téléphone au plus près des sources de matières premières (au Congo par exemple). Ainsi des groupes comme CERCO s’approvisionneront, en poursuivant leur action d’élévation du niveau de vie des populations proches à la fois de la source et du besoin grâce à leur montée en compétences.

La position géographique des chaines de valeurs est une clé stratégique qui permettra de :

  • Réduire les flux (transports) inutiles : aller de matières premières pour un retour de produits finis.
  • Diffuser et partager le savoir (échange de pratique et formation internationale)
  • Diminuer les inégalités économiques (redonner de la création de valeur à la source).
  • Lutter plus efficacement contre la destruction de la planète (diminution de l’empreinte CO2).

Il faut reconnaître que cette action pour accroître la valeur ajoutée locale est soutenue par de nombreux pouvoirs publics africains. Souvent à travers des Partenariat Public-Privé comme entre le groupe ARISE IIP (ARISE Integrated Industrial Platforms) et les états gabonais, ivoirien, togolais et le béninois pour développer des plateformes industrielles dans ces différents pays.

L’objectif n’est pas de citer l’ensemble de ces structures incitant à la création de valeur ajoutée sur un continent comme l’Afrique. Il est toutefois inévitable de sentir qu’il y a une marche en avant pour la localisation ou la relocalisation des productions.

Pour aller au bout de la démarche, il est capital que la logistique et la Supply Chain s’adapte aux particularités locales et fasse évoluer ses pratiques à travers l’inventivité. Les gouvernements doivent alléger les démarches règlementaires tout comme la taxation des entreprises. Il ne faut pas oublier non plus de développer et moderniser les infrastructures routières et ferroviaires. Le corridor Abidjan-Lagos est un de ces projets qui fluidifiera les flux logistiques dans une zone économique en construction.

Je souhaite vraiment que de nombreux projets (dans l’esprit de ceux cités ci-dessus) de transformation locale se multiplient et qu’ils seront soutenus et accompagnés par les spécialistes de la Supply Chain comme Emile GLELE, avec qui j’ai pu avoir des échanges fort intéressants dans le cadre de l’écriture de cet article.

Pour conclure, je pense que l’avenir est de faire voyager davantage la connaissance à travers le partage et l’éducation. Cela implique de valoriser l’action des transmetteurs de savoir en dynamisant les échanges de compétences Nord–Sud et Sud–Sud. Le fait d’être propriétaire d’une matière ou d’une récolte (qui souvent ne représente qu’une infime partie de la chaîne de valeur) est généralement mal évalué car basé sur des cours mondiaux sans prendre en compte les coûts de production.

 Bien sûr le modèle actuel du transport international va devoir réinventer ses arguments et ses valeurs, en priorisant la qualité de service. Les politiques publiques, les armateurs, les transitaires, doivent promouvoir des chaînes logistiques vertueuses par une tarification différenciée du fret des produits. Par exemple en prenant en compte les efforts des chargeurs pour mettre à disposition un fret valorisé a là source et conditionné pour un transport optimal.

Je sais que cette analyse un brin utopique n’est pas une réalité mais n’oubliez pas que le monde a subi des changements inattendus en à peine 3 ans. Des changements positifs sont en marche donc allons plus loin !

                                                                                                                                                                                                                         J.THEBAULT

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