Les peurs de la rupture de ces derniers mois et dernières semaines incitent les consommateurs mais aussi les entreprises à augmenter leurs stocks. Ce cercle non vertueux, engendré au départ par une légère pénurie, ou même une rumeur de « risque de pénurie » est donc amplifiée par un effet boule de neige de la sécurisation des stocks de réserve.
Le premier réflexe, que ce soit pour les denrées alimentaires, les ressources minérales, les composants ou encore l’énergie (l’actualité du moment) est de faire des réserves qui repousseront le moment de la rupture. Bien évidemment l’aspect économique est au premier plan dans cette course à l’acquisition, soit pour se prémunir d’une hausse des prix soit pour spéculer.
Au-delà de l’aspect purement financier, il est parfois judicieux d’augmenter les stocks pour faire face à certaines situations (la spéculation n’est pas à mon sens un bon motif pour stocker massivement un bien ou une matière) comme pour préparer les besoins d’une production saisonnière ou éviter la rupture sur des produits stratégiques (les masques sont un exemple récent).
Pourtant trop souvent certaines augmentations des stocks sont dictées par la crainte d’une rupture sans prendre en compte que cette dernière impacte parfois moins l’activité d’une entreprise qu’un surstockage déraisonné. Il faut donc s’assurer que l’accroissement des coûts de stockage ne soient pas plus onéreux que l’augmentation des prix, générée par le déséquilibre offre/demande ou la réduction des profits engendrée par la rupture.
Mais reprenons au début, qu’est-ce que le coût de stockage ?
Le coût de stockage se constitue de charges fixes et variables tout en intégrant la dépréciation du stock. Sans entrer dans le détail et dans un débat sur quelles charges et comment doivent elles être intégrées, voici une liste non exhaustive des éléments à prendre en compte :
- Salaires et charges des salariés concernés par le stockage
- Amortissement de l’infrastructure, du matériel, des outils …
- Maintenance et entretien des outils de manutention
- Maintenance des systèmes d’information
- Assurances des locaux et de la marchandise
- Consommation d’énergie
- Impôt et taxe
- Frais généraux …
A chacun de définir la méthode la plus adaptée pour un calcul rapide et en cohérence avec l’activité de l’entreprise. Il est communément admis que le coût de stockage (ou de possession) s’évalue à 25 % de la valeur du stock disponible. C’est une méthode un peu rapide et imprécise de calculer ce fameux coût, il faut l’admettre. Pourtant étant donné qu’il n’est pas simple d’établir une définition et donc une formule claire de calcul du coût de stockage : cette estimation permet fixer des limites et donc des objectifs.
L’augmentation du volume stocké entraine forcément une augmentation des charges variables dans un premier temps, puis selon la limite de vos capacités de stockage, des coût exceptionnels voir une augmentation de vos charges fixes. Généralement quand on arrive à ce stade le coût optimal de 25% est déjà dépassée ou en passe de l’être : Une réflexion globale sur les moyens, l’approvisionnement, la production ou d’autres thématiques est à enclencher rapidement si ce n’est pas fait !
Je ne vais pas m’étendre sur les calculs de coûts, de taux, sur la formule de Wilson (base de l’approvisionneur), ce n’est pas l’objectif de cet article. Pourtant nous savons tous que pour optimiser les coûts de stockage, il est impératif d’avoir une vision claire et juste des choses, et la vérité se trouve dans les chiffres…
En vous basant sur votre taux annuel de possession et sur bien d’autres chiffres vous pouvez donc décider (ou pas) de mener des actions visant la réduction de vos coûts de stockage. C’est l’identification et la mise en place de ces actions qui deviennent intéressantes pour la personne de terrain que je suis.
Les actions possibles sont aussi nombreuses qu’il y a de cas de surstockage onéreux :
L’externalisation est souvent une solution lorsque l’on doit commencer à « pousser les murs ». Faire appel à un prestataire du type logisticien, qui saura vous proposer un stockage ainsi que les prestations annexes à un tarif compétitif est souvent judicieux. Toutefois en confiant cette activité parfois stratégique il faut être certain d’une bonne collaboration entre les acteurs des deux sociétés. De plus la conjoncture actuelle et le manque de foncier ne font pas de cette solution une car on le sait « ce qui est rare, est cher ».
Pour bien maitriser sa gestion de stock et donc ses coûts, nous avons à notre disposition plusieurs leviers (non exhaustifs) :
- Suivi et amélioration des process approvisionnements (pas de surstockage inutile tout en évitant la rupture) : La mise en place d’une démarche DDMRP basée sur une approche S&OP plus précise que le MRP classique permettra d’améliorer en amont l’approvisionnement.
- Plan de production ou prévision des ventes le plus juste possible avec une révision régulière.
- Optimisation des flux physiques en interne et en externe
- Adaptation du matériel de stockage…
- L’utilisations de matériel, d’outils, de contenants issue de l’économie circulaire et du recyclage pour réduire les charges d’investissement.
- La création d’énergie à travers l’infrastructure de stockage : « l’entrepôt écologique ».
- Le recyclage en interne et l’amélioration de la gestion des déchets.
- La valorisation des stock dormants.
- L’optimisation et la création de modularité des volumes (emplacements et unité de manutention : certains outils digitaux peuvent vous y aider) ….
Le développement des principes du Lean management et de l’ensemble des méthodes d’optimisation sont bien sûr une base de travail évidente et qui a fait ses preuves pour limiter les coûts d’une entreprise.
Pour diminuer les coûts de stockage, l’essentiel est d’avoir une prise de recul et de penser et d’agir de manière globale. En effet toutes les actions citées précédemment ne sont efficientes que si elles sont coordonnées et cohérentes. Par exemple un stock amont moins important coûte plus cher car pour compenser les stocks intermédiaires ont été augmentés = pas de coordination = déplacement et aggravation de la problématique.
Souvent il est possible d’agir en imaginant des solutions qui concernent des activités apparemment sans lien direct avec le stock :
- Les goulots d’étranglements (évoqués à travers l’optimisation des flux) peuvent être gommés à travers la mise en œuvre d’actions d’allègement de process.
- La capacité à revoir le processus industriel ou logistique.
- La compréhension des stratégies des fournisseurs et des clients pour les repenser avec eux.
- Création d’un stockage vivant à travers la dynamique de production et de commercialisation.
- Relativiser le point de commande des stocks pour lesquels nous avons des solutions de remplacement (image du facing en GMS avec un autre produit en réserve prêt à prendre la place).
Ces exemples de clés ouvrant des portes autres que celles de la réserve impliquent de partir de données précises pour digresser vers les idées les plus « farfelues » et trier celles qui finalement sont applicables.
Dans cet article, je suis parti d’éléments très cartésiens pour aborder le thème des coûts de stockage pour finalement terminer sur une liste de solutions qui demande échanges et imagination pour construire la solution qui correspond à votre structure.
Apprenons à réinventer les sources d’approvisionnement !
Eh oui ! la créativité peut aussi être un outil d’amélioration dans des domaines qui sont régis par la rigueur. Il est même essentiel de partir d’éléments factuels et vérifiés pour développer une créativité qui deviendra productive après avoir rêvé une solution d’amélioration.
Pour des résultats probants dans ce type de démarche impliquant d’allier la rigueur et inventivité, faites appel au monde du conseil en Supply Chain et bien sûr à FOLOTECH !
Dans cette période ou l’Europe se sent en danger, je vais donc finir par une citation d’Albert Camus qui me semble plus positive qu’il n’y parait si on voit le verre à moitié plein : « La guerre apprend à tout perdre et à devenir ce qu’on n’était pas » :
En effet, cette période de pénurie et nos réactions de surstockage, dictées par la peur ne sont que des épiphénomènes car le vrai risque est davantage la pénurie de qualification. C’est pourquoi nous devons redoubler d’effort pour que la transmission, le partage, l’échange des connaissances et surtout l’inventivité soient les armes qui feront face aux pénuries (inévitables) de demain !
J.THEBAULT.